19 septembre 2006
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Rentrée sociale : la lourde responsabilité de l'UIMM (*)Le Medef va-t-il en finir avec le surplace ? La réponse ne dépend pas que de Laurence Parisot, mais aussi de l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie. L'UIMM, le plus puissant des syndicats professionnels, est déterminante dans le système patronal par sa force, faite de quatre armes.D'abord, l'UIMM rassemble les grandes entreprises privées de l'industrie (automobile, aéronautique, électronique, etc.) et de nombreuses PME organisées en syndicats territoriaux (1,8 million de salariés en tout) qui lui ont donné depuis plus d'un siècle la mission claire de fabriquer le social en France face aux syndicats. Ensuite, l'UIMM dispose d'une force de lobbying redoutable, épaulée par un service juridique interne capable de préparer à la chaîne des projets de lois, des amendements, des règlements, des accords sur tous les sujets de droit touchant à l'entreprise. En outre, l'UIMM maîtrise la politique, les moyens, les responsables du Medef. Jusqu'à l'élection d'Ernest-Antoine Seillière en 1998, elle faisait les présidents du Medef. Et même si en 2005 elle a essuyé un revers avec l'élection de Laurence Parisot, issue des services, l'UIMM est toujours « derrière » eux, notamment lors des principales négociations interprofessionnelles, pour garder la main sur le mouvement. Enfin, l'UIMM a instrumentalisé le dialogue social dans la métallurgie en tissant des liens privilégiés avec trois syndicats (FO, CFE-CGC, CFTC). Cet ordre parfait, l'UIMM peut rêver qu'il perdure. Oui mais voilà, le monde change...Primo, les entreprises changent. Les grandes ont un espace et une vision mondialisés. Les plus petites, en sous-traitance et sous leur pression, ont peu de marges de manoeuvre. Toutes sont de moins en moins demandeuses de lois et d'accords externes. Alors qu'elles ont donné à l'UIMM la haute main sur les lois et conventions du travail, elles aspirent à créer le droit ou la liberté chez elles. Négociations interprofessionnelles et de branche s'appauvrissent. Le politique multiplie les initiatives législatives, souvent sans concertation, mais surtout sans réel effet, quand les budgets sont exsangues et que la complexité des situations demande du sur mesure.Secundo, le monde patronal change. Si l'industrie reste déterminante économiquement, son poids en emplois directs diminue fortement. D'autres secteurs ont émergé, comme les services.Tertio, les accords UIMM sont de moins en moins présentables aux salariés. Les syndicats partenaires privilégiés de l'UIMM dans la métallurgie deviennent plus rétifs quand le « grain à moudre de jadis » se transforme en « cailloux à avaler ». Le dernier accord, signé par eux en 2005 sur le temps de travail, comportait plusieurs contraintes pour les salariés sans contreparties : une instabilité salariale avec un volume d'heures supplémentaires à la seule disposition de l'employeur, la possibilité pour lui d'utiliser le compte épargne temps comme amortisseur, l'application du forfait jour aux non-cadres.Quarto, avec la faible croissance et le redéploiement mondial de l'économie, le social ne suit plus simplement l'économique. Il lui est étroitement imbriqué, car désormais la compétitivité dépend avant tout du capital humain. Ce n'est ni un hasard, ni une affaire de style, si Parisot parle de « délibération sociale », de « diagnostic commun ». Les modalités du dialogue social sont en débat pour tendre vers une démocratie sociale forte. Salariés et employeurs vont aborder une période charnière, où après la révolte du CPE semble se faire jour, sur le terrain politique et social, un vrai besoin d'innovation. De surcroît, l'Europe devient un niveau supplémentaire de dialogue social : interprofessionnel (plusieurs accords sont déjà conclus), de secteurs (une trentaine de comités de dialogue social sectoriel sont à l'oeuvre) et d'entreprise (des centaines de comités européens sont créés).L'UIMM doit donc reprendre une position porteuse de la responsabilité sociale des entreprises, sur laquelle elle fonde historiquement sa légitimité, car nous avons besoin d'ouvrir les chantiers d'un nouveau pacte social. Par exemple, sur le dialogue économique avec les syndicats, ou sur le rétablissement de transferts sociaux des grands groupes vers les salariés de leurs sous-traitants, car l'entreprise en réseau pourrait être plus solidaire. L'UIMM pèsera lourd dans les choix du Medef pour cette rentrée sociale. Si elle ne se laisse pas intimider par ses troupes les plus conservatrices ou les plus libérales, elle pourrait sortir avec le Medef du surplace. En tout cas, la CFDT (et d'autres peut-être) est prête à redonner du contenu, et plus qu'un cadre, à la négociation nationale interprofessionnelle, en l'articulant avec la force de la loi et avec l'opérationnalité des accords de branches : sur la sécurisation des parcours professionnels, la politique active de l'emploi ou le contrat de travail. Ce qui appelle les grandes entreprises et des organisations comme l'UIMM à s'ouvrir sur l'intérêt général. L'avenir nous dira bientôt si cet appel est entendu.DOMINIQUE GILLIER est secrétaire général de la fédération de la métallurgie FGMM -CFDT(*) Les Echos n° 19742 du 01 Septembre 2006
Published by Equipe rédaction CFDT Eurocopter
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Actualité : La CFDT se postionne !
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