L'objet de cet article est de compléter le 1er dossier réalisé sur la pratique de l'Anglais à EUROCOPTER.
Les pratiques linguistiques des entreprises
Ce thème jusqu'alors peu étudié a suscité en 1999-2000 de nombreux débats alimentés en particulier par l'actualité. En effet, la société Renault a pris durant l'été 1999 la décision de rédiger et de diffuser auprès des différentes directions du groupe les comptes rendus de ses comités de direction en langue anglaise. Cette mesure a suscité de nombreuses réactions de la part d'associations, d'organismes et de citoyens soucieux de préserver la présence de notre langue dans le monde de l'entreprise.
Elle concerne un document d'information interne sans valeur juridique diffusé à environ quatre cents cadres dirigeants du groupe Renault et ne constitue pas un manquement à la loi du 4 août 1994. Pour autant, si l'internationalisation de Renault et son rapprochement avec Nissan peuvent justifier une rédaction en anglais pour ce type de document, le recours exclusif à cette langue ne correspond pas au fait que le français demeure la langue maternelle de la plus grande partie des dirigeants du groupe.
Aussi, la D.G.L.F. a rappelé à la direction de Renault qu'une traduction en français des comptes rendus de direction aurait été souhaitable et que le recours à l'anglais n'était pas incompatible avec l'utilisation du français qui devrait conserver une place, sans doute non exclusive, mais essentielle, dans la politique internationale de cette entreprise.
Autre décision ayant suscité beaucoup d'émotion, celle prise en mars 2000 par Air Franced'imposer, pour des raisons de sécurité des transports aériens, l'utilisation de l'anglais dans les communications par radiotéléphonie entre les équipages et l'organisme de la circulation aérienne de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle. La mobilisation des autorités françaises, mais aussi québécoises, ainsi que d'un grand nombre de salariés d'Air France, de citoyens et d'usagers, a débouché, le 6 avril 2000, sur la suspension par Air France de la décision en cause. En effet, il est apparu que l'établissement d'une langue de communication unique pour la navigation aérienne faisait l'objet d'appréciations diverses et que rien ne permettait d'établir formellement qu'une telle option aurait renforcé la sécurité des transports aériens. Par ailleurs, cette mesure semblait contraire à un certain nombre de textes, internationaux et nationaux, en particulier la convention de Chicago sur l'aviation civile qui " recommande qu'en général les communications radio-téléphoniques air-sol soient effectuées dans la langue habituellement utilisée par la station au sol " et un arrêté du 7 septembre 1984 qui précise que le français doit être utilisé entre personnels navigants français et stations au sol françaises.
Ainsi qu'il l'a fait connaître dans plusieurs questions écrites parlementaires qui lui ont été posées, le gouvernement demeure extrêmement attentif à l'évolution de ce dossier, dans la mesure où la décision d'Air France est simplement suspendue et non retirée définitivement.
Ce contexte particulier a conduit la délégation générale à la langue française à organiser le 21 mars 2000, à l'occasion de la Semaine de la langue française, en association avec le journal Les Echos et la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, une table ronde sur le thème " Quelle politique linguistique pour l'entreprise du XXIème siècle ? ", réunissant notamment plusieurs représentants d'entreprises visant un marché international. Ce débat a été complété par une enquête publiée dans Les Echos intitulée " Le français sans états d'âme - Les firmes sous-estiment le risque culturel ".
Animé par M. Jean-François Polo, journaliste aux Echos, le débat a été l'occasion pour les participants d'exposer les choix et les conditions de mise en œuvre de leur politique linguistique, tant sur le plan interne au sein de l'entreprise que vis-à-vis des clients ou des partenaires avec lesquels des alliances ont été nouées. Un débat de même nature a été organisé lors du congrès de la Fédération internationale des professeurs de français en juillet.
En l'absence d'une observation réelle des pratiques linguistiques dans le monde du travail en France, les tables rondes ont fourni un éclairage intéressant sur la diversité des analyses et des choix opérés par les entreprises. À côté de sociétés, nombreuses, faisant de l'anglais la seule langue de communication afin de fédérer autour d'une langue unique des collectivités de travail qui rassemblent de plus en plus des hommes et des femmes de pays et de cultures différents, des stratégies plus nuancées se développent.
Estimant que cette solution peut conduire en réalité à un appauvrissement des échanges, voire à des incompréhensions, à l'intérieur de l'entreprise comme dans les relations avec ses partenaires, certaines sociétés font le choix du plurilinguisme en l'adaptant aux contextes de travail et en favorisant chez leur personnel, soit l'expression dans leur langue maternelle, soit l'expression dans la langue maternelle du client.
Cette politique s'appuie sur des efforts importants consentis en matière de formation, que plusieurs entreprises estiment tout à fait profitables pour leur développement. Quelques-unes d'entre elles ont d'ailleurs une approche particulièrement dynamique de la question linguistique, en n'hésitant pas à proposer dans leurs filiales internationales des cours de français à leurs salariés étrangers.