Article paru dans La Bugade d’avril 2010.
« Le désengagement est plus risqué que la contestation » (*)
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Depuis le déclenchement de la crise économique à l’automne 2008, une conjonction de décisions contradictoires a contribué à diminuer la confiance des salariés envers l’entreprise et ses dirigeants : plans sociaux, diminution du recours à l’intérim, peu d’augmentations salariales et, en même temps de manière très médiatisée ont été soulignés les salaires, retraites chapeaux, les stocks options et autres parachutes dorés… de dirigeants dont justement certains ont pris ces décisions. Au-delà, il existe des raisons structurelles bien plus profondes qui s’ancrent d’avantage dans les évolutions du travail : une forme de précarisation de l’emploi et des conditions de travail. Mais aussi l’intensification liée aux changements organisationnels où on pressure de plus en plus les salariés. Cette intensification se réalise par la volonté de faire qu’ils s’engagent constamment et soient les plus performants dans tous les aspects de leur activité. Mais sans ou avec de très faibles contreparties.
La crise de confiance se manifeste par un désengagement, un refus de cette sollicitation à être tout le temps engagé. Cela peut prendre des formes variables : absentéisme, demandes de mobilité, mais aussi refus d’heure supplémentaires, etc. Les formes de désengagement dépendent des catégories sociales. L’absentéisme concerne le plus souvent les non-cadres. Les cadres s’investissent moins dans leur travail. Ils peuvent parfois maquiller certains chiffres ou les remplir à la va-vite car ils sont soumis à des reportings incessants qui n’ont plus beaucoup de sens. Autant de phénomènes difficiles à quantifier.
L’indicateur de mauvaise qualité des biens et des services est aussi un signe. Le désengagement est bien plus risqué pour l’entreprise que la contestation.
Une des conditions pour retrouver la confiance, c’est le long terme. Si nos dirigeants ne font que du zapping d’une entité à l’autre, les salariés qui font l’entreprise travaillent sur une autre échelle de temps. Les organisations du travail mais aussi les modes exigent des changements de postes fréquents pour les cadres, sans parler du passage aujourd’hui obligatoire par l’étranger. L’ériger en norme, c’est nier le fait que le travail est un collectif et que la confiance se construit en interaction. Pour que la confiance existe, il ne faut pas d’incertitude radicale, comme savoir que l’on peut être muté du jour au lendemain. Un autre moteur du retour à la confiance, c’est le droit à l’erreur. Nous ne sommes pas des machines, mais que des hommes et des femmes et la perfection 24 heures 24 est une utopie. C’est en faisant des erreurs que l’on progresse. A méditer…
Contact : Didier HACQUART, DSC et responsable CFDT Cadres Eurocopter
(*) Cette rubrique est inspirée de l’interview de Jérôme Pélisse, Sociologue dans Entreprises et Carrières de mars 2010.