Communique CFDT
La facture pour les salariés,
les plus-values aux managers (*)
On ne connaît pas encore le prix de la facture sociale, mais on sait que, chez Airbus, les salariés vont passer à la caisse. Il faudrait plutôt dire les salariés dépendant d’Airbus, tant il est évident que les intérimaires et les salariés sous-traitants seront, comme la plupart du temps dans ces cas-là, les premiers touchés.
Tout cela est scandaleux. Non, nous n’ignorons pas la concurrence avec Boeing et les pressions des clients d’Airbus ! Non, les choses ne peuvent rester en l’état ! Mais on ne peut faire l’impasse sur les responsabilités qui ont conduit à cette situation dans une entreprise qui maîtrise les technologies d’avenir et s‘est, en quelques années, hissée à la hauteur de son seul concurrent.
L’État français est un actionnaire de référence, comme son voisin allemand, dans la construction complexe de cette société européenne. Qu’a-t-il fait de son pouvoir ? Beaucoup d’exemples démontrent que l’État est un piètre industriel. Quand il contrôle une entreprise, au mieux il laisse la technostructure décider de la stratégie, au pire il intervient au nom d’un intérêt politique qui ne correspond pas souvent à l’intérêt général. Dans le cas d’Airbus, les États français et allemand n’ont pas réussi à dépasser leurs intérêts nationaux pour permettre à l’entreprise de construire un appareil industriel complètement intégré. Ils ont imposé une direction bicéphale présentant un semblant d’équilibre, synonyme en réalité d’inefficacité.
Les managers successifs, au plus haut niveau, ont échoué. Comment qualifier différemment leur capacité à concevoir et construire un avion hors du commun tout en s’emmêlant les fils, jusqu’à recaler sans arrêt les modalités et le calendrier de sa mise en série ? On peut aussi constater, hélas, que la veille syndicale n’a pas fonctionné. La culture syndicale si particulière, héritée de l’Aérospatiale, conduit l’organisation majoritaire à une forme de connivence et de chasse gardée qui l’empêchent de tenir un rôle de vigilance et d’interpellation de la direction.
Qu’on ne vienne pas non plus nous raconter que les stocks-options sont la garantie de l’efficacité des managers ! En plus du scandale des plus-values, qui a contraint certains dirigeants au départ, on formalise la récompense pour mauvais services rendus.
Qu’on ne vienne pas nous rejouer l’air du patriotisme économique quand nos responsables politiques sont incapables d’inclure l’avenir national dans l’épure des défis du futur ! Nous avons, au contraire, tout à gagner à une profonde rénovation des gouvernances de l’entreprise et à une vraie politique européenne, qui ne signifie pas le renoncement à nos intérêts, mais au contraire le meilleur moyen de les défendre.
(*) Marcel Grignard, secrétaire national © CFDT (mis en ligne le 18 octobre 2006)
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